BONHEUR AU TRAVAIL ? LES ILLUSIONS QUI TROMPENT !

Vous rêvez d’une réussite sociale, d’une plénitude sans faille… et cherchez désespérément comment être heureux.

Prenez garde !
La poursuite aveugle et effrénée du bien-être peut faire très mal. Optez pour la lucidité, préconise Ilios Kotsou, co-fondateur d’Emergences*.
Le bien-être, la félicité ou le plaisir constant au bureau est le nouveau credo en vogue dans les entreprises. Le hic, c’est que pour y parvenir (pour eux-mêmes ou l’équipe) bien des personnes ne retiennent du monde ou des gens alentours que ce qui les arrange. Se racontant des histoires sur des certitudes, le pouvoir de contrôler leurs propres pensées ou de changer autrui. Ce qui altère leur vision de la réalité et met en péril leur efficacité.
Décryptage de quatre mirages avec des clés pour gagner en clairvoyance.

Illusion n°1 : le succès est la clé du bonheur

Décrocher son graal – le contrat du siècle, l’innovation clé, les galons de chef… – rendra heureux ! Pas si sûr, car rester focalisé sur ces buts met en position de fragilité, génère du stress et de l’anxiété. « Suis-je à la hauteur ? Comment y arriver ? ». L’individu dépend du regard des autres et en devient influençable. En plus il se trompe, car il court après une image, un statut, pour conforter son amour propre alors que c’est précisément la motivation intrinsèque qui mène au succès. Dans cette course personnelle, le manager délaisse l’équipe et se morfond lorsqu’il piétine.
Conseils. Se remémorer les gloires éphémères (en tout domaine) et analyser les hauts et les bas de leur trajectoire ; repérer et respecter ses limites du moment avec tolérance ; se féliciter de ses petites victoires qui sont autant de bonheurs revigorants.

Illusion n°2 : le bien-être en tout garantit la sérénité

Vouloir « se sentir bien » à tout instant est une option insidieuse car cette posture est usante. Elle conduit à vouloir maitriser ou éviter tout ce qui est désagréable et fâcheux, telle une mauvaise nouvelle ou une émotion poignante. Ce qui aboutit, selon les psys, à l’effet inverse : « se sentir plus mal ». Nos pires cauchemars surgissent quand on se force à dormir, observe la science. De surcroît, ignorer le déplaisir pousse à mal réagir : le manager prendra en grippe le collaborateur en baisse de forme, se braquera face aux changements, etc. Toutes les émotions négatives (colère, honte etc.) ont leur utilité. Elles soulignent des valeurs bafouées et capitales pour soi : justice, honnêteté, courage, etc. Il faut donc les regarder et les apprivoiser.
Conseils. Ecrire ses jugements, opinions ou ressentis déplaisants en mettant en regard une valeur : le sentiment de ne pas être écouté – la bienveillance ; la colère – l’équité; s’autoriser à se dire « je désapprouve tel acte » puis l’exprimer en public.

Illusion n°3 : nos pensées sont la réalité vraie

Croire tout ce que notre tête raconte est rassurant, réconfortant. Nulle remise en question ne s’impose. Or nos pensées nous déconnectent parfois de la réalité parce que nous interprétons ce que nous voyons et entendons selon nos propres filtres. C’est ainsi que le cerveau crée des croyances notamment par le mécanisme du biais de confirmation. L’individu ne retient (et grossit) que les informations qui corroborent son hypothèse initiale et il élimine celles qui l’infirment. Idem pour le biais d’attribution qui incite à généraliser le comportement ou le trait de caractère qu’a dévoilé un quidam à l’instant « t ». Jean s’est montré agressif ? Il l’est donc tout le temps et avec tout le monde, ce qui est faux. L’environnement a aussi joué un rôle.
Conseils. Prendre de la distance chaque soir. 1/ En décontractant son corps, en réalisant un travail personnel de méditation ou de pleine consciecne. 2/ En notant sur son calepin les faits marquants du jour et ses pensées. 3/ En examinant s’il y a d’autres explications (si Jean est par moment aimable); Confronter ses impressions avec des pairs ou amis.

Illusion n°4 : un objectif ambitieux réjouit

Gravir l’Everest, remporter un marché prestigieux, griller son grand rival… Voilà qui va émoustiller les troupes. Seulement, un grand dessein ne suffit pas ! Car ne jurer que par lui coupe son initiateur du temps présent et fait oublier ou mésestimer les embûches sur le chemin. Un cap lointain peut figer les énergies dans une entité, les institutionnaliser, voire les crisper. Un dirigeant, un manager efficace doit être là au quotidien, sur tous les sujets petits et grands qui y sont liés et mettre de l’huile dans les rouages.
Conseils. Bien étudier le parcours du projet et hiérarchiser les étapes afin de le rendre accessible ; le communiquer à des tiers pour le crédibiliser ; avancer selon les ressources de chacun (et les siennes) ; savourer pleinement chaque progression significative.
* Auteur de « Eloge de la lucidité, se libérer des illusions qui empêchent d’être heureux », Robert Laffont, 2014
Article par Marie-Madeleine Sève, 05/01/2015, Express Entreprise