EN QUOI ÊTRE GENTIL AMÉLIORE LA PERFORMANCE ?

Savoir se montrer ferme, non conciliant, dur en affaires ! Dans la relation compétitive que nous vivons, ces postures deviennent presque des qualités. Ce n’est pas pour rien que nous sommes en partie éduqués à ne pas faire part de nos émotions… Il faut cacher nos fragilités.

Mais quelle est l’efficacité réelle d’une telle approche, notamment en entreprise ? Le management serait plus efficient dans l’autoritarisme, au travers de l’agressivité et la méchanceté ? C’est vrai que la méchanceté est souvent associée au calcul stratégique, pendant que la gentillesse peut se confondre avec la naïveté et l’impossibilité de se battre, et donc de gagner. Ce sont là des écueils encore bien marqués de la culture de la virilité ! Et pourtant, ce raisonnement pose réellement question. Il peut même être largement contrer.

Une étude américaine s’est penchée sur une question managériale centrale ; « qu’est-ce qui fait qu’une équipe de travail est efficace ? » Des chercheurs ont étudié, pendant plus d’un an, les organisations, les modes de communication pour une centaine d’entreprises. leur conclusion est sans appel et révèle clairement combien l’efficacité est optimale dans des équipes où les gens sont gentils les uns envers les autres ! Et mieux encore, un chercheur économiste avance que ces comportements permettent à l’entreprise, qui fait corps, d’être plus performante, voire plus productive jusqu’à 5%. En quoi cette attitude positive permet-elle d’avancer plus loin ?

Écraser l’autre, c’est jouer perdant

Se montrer dominant et asseoir son mode relationnel sur la crainte de soi sert, pendant un temps, à passer devant son collègue, devant ses pairs. Mais ce calcul est très consommateur d’énergie et au lieu de sublimer son agressivité, on la déverse à l’état brut. Certes, cela permet d’asseoir une autorité d’obtenir des résultats,… sauf qu’en se mesurant constamment à la faiblesse des autres, l’agressif finira par rencontrer un rival plus fort que lui ou même craindre cette rencontre fatale et se montrer davantage belliqueux. Le cercle vicieux se referme et deviendra fatal à l’engagement réciproque, à la confiance, à la solidarité,…

Canaliser son agressivité

Comment canaliser une telle pulsion agressive ? Il n’est pas forcément malsain qu’elle soit refoulée. Au contraire. Ce qui compte aux yeux de nombreux spécialistes en ressources humaines est qu’elle soit intelligemment orientée.

Plutôt que de prendre une forme négative, comme chez le méchant, elle semble efficace et positive quand elle se transforme en ambition saine ou en courage tourné vers le dépassement de ses propres imperfections. Cette ambition non intrusive vis-à-vis de l’extérieur et surtout non violente diminuerait le stress, en favorisant l’estime de soi, à travers le regard des autres, apaisés car traités avec bienveillance. Dans la foulée, elle favorise bien entendu les « renvois d’ascenseur ».

Savoir déléguer pour se renforcer

Or, pour se dépasser et accomplir une œuvre collective ou une entreprise qui va au-delà de nos capacités personnelles, on a besoin des autres et on a donc intérêt à les valoriser. Cela passe par la confiance, la liberté accordée à nos subordonnés et même par l’affection.

Ceux qui réussissent ne sont-ils pas en effet ceux qui savent le mieux déléguer, s’inspirer d’autrui, fédérer les talents… plutôt que de se recroqueviller sur une satisfaction immédiate et égoïste ? Comme l’écrivait au 19ème siècle l’écrivain américain Mark Twain, « la gentillesse est le langage qu’un sourd peut entendre et qu’un aveugle peut voir ».
En ce sens, c’est paradoxalement en offrant du pouvoir que l’on accroît son pouvoir. C’est précisément ce qu’une chercheuse de la prestigieuse université américaine Harvard a découvert en étudiant les relations interpersonnelles chez Google. Julia Rodosky, dans un rapport publié en 2012, indiquait que la gentillesse des cadres et leur liberté d’action, leur faculté de prendre des risques sans se faire rabrouer par leurs supérieurs, bref l’empathie générale entre collègues expliquait largement le succès prodigieux de la multinationale numérique.